À Papeete, le nombre de sans-abri ne cesse d’augmenter. On y croise des hommes seuls, mais aussi des familles avec enfants. La rue devient parfois un refuge, faute de logement abordable ou face à des situations de violences familiales. Selon les associations, plus de 750 personnes vivent aujourd’hui sans toit en Polynésie française.

Le soutien fragile des associations

Pour éviter l’isolement, des associations comme Te Torea viennent régulièrement à la rencontre des sans-abri. « La place de l’enfant n’est pas dans la rue », insiste une bénévole, qui oriente les familles vers les travailleurs sociaux. Chaque matin, 60 à 80 personnes prennent leur petit déjeuner au centre Te Vaiete, tenu par le Père Christophe. « Sans lui, beaucoup sombreraient dans la délinquance », reconnaît un bénéficiaire.

Le centre a aussi mis en place des formations, notamment sur les addictions. Car alcool, tabac et drogues aggravent les difficultés : 25 % des sans-abri présentent des troubles mentaux lourds, comme la schizophrénie ou la bipolarité.

Des parcours variés, un même constat

Tous les SDF n’ont pas la même histoire. Certains travaillent mais n’ont pas les moyens de se loger, faute de logements accessibles. D’autres, marqués par des années de vie à la rue, peinent à réintégrer la société malgré un emploi stable. Ouvert à Mamao, le centre Te Vai Ete Api accueille chaque mois environ 300 personnes. Douches, repas, machines à laver : autant de services qui soulagent mais ne suffisent pas à endiguer la précarité. En 2023, sept sans-abri sont morts dans la rue à Tahiti, dans une relative indifférence.

Une proportion alarmante : plus de SDF à Papeete qu’à Paris

Le phénomène n’est pas nouveau. Une étude intitulée « Le sans domicile fixe à Papeete » (2019) dressait déjà un constat alarmant : Papeete comptait alors 345 sans-abri pour 26 926 habitants, soit 1,28 % de la population ; Paris, à titre de comparaison, comptait 3 641 sans-abri pour plus de 2,1 millions d’habitants, soit 0,17 %.

Autrement dit, les sans-abri étaient proportionnellement 7 fois plus nombreux à Papeete qu’à Paris. L’étude soulignait aussi la diversité des profils : jeunes adultes poussés à la prostitution, travailleurs dormant dans la rue pour éviter les frais de transport, personnes âgées maltraitées dans leur famille, ou encore individus rejetés de leur foyer pour raisons financières.

Un défi pour les politiques publiques

Aujourd’hui, la situation reste critique. Malgré les efforts des associations, les structures existantes ne répondent pas à l’ampleur du problème. Le coût de l’immobilier, le manque de logements sociaux, les addictions et les troubles mentaux laissent des centaines de Polynésiens sans solution.

La question du « SDF à Tahiti » ne peut plus être réduite à une marginalité. Elle révèle une fracture sociale profonde, qui appelle des réponses structurelles, au-delà de la seule action des associations.

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