La situation devient critique pour une nouvelle génération d’agriculteurs guadeloupéens. Depuis plus de deux ans, près de 50 dossiers d’aides européennes du programme Feader 2023-2027, représentant environ 5 millions d’euros, restent en suspens. Derrière ces chiffres, ce sont des exploitations fragiles qui risquent de sombrer, faute de trésorerie.
L’exemple de Véronique Nestar, agricultrice du Moule, illustre cette absurdité administrative. Son dossier déposé en 2021, d’un montant de 600 000 euros, n’a reçu de convention qu’en octobre 2024, soit deux mois avant sa date de clôture. Résultat : un projet au bord de la caducité et une aide déjà réduite de 90 % à 80 %. Comme elle, des dizaines de jeunes se disent découragés et redoutent de devoir tout recommencer.
En cause : des “bugs informatiques” et des lenteurs administratives que la Région peine à justifier. Le président des Jeunes Agriculteurs de Guadeloupe, Yannick Kindeur, dénonce une situation “inacceptable” et appelle à l’organisation d’États généraux de l’agriculture pour clarifier les règles du jeu et redonner confiance. “Les jeunes agriculteurs perdent patience, certains songent à abandonner. Il faut des solutions maintenant”, alerte-t-il.
La Région tente de calmer le jeu en annonçant le traitement imminent d’une vingtaine de dossiers pour un total de 800 000 euros. Mais cette réponse apparaît tardive et bien en deçà des besoins réels. Dans un contexte où la souveraineté alimentaire est brandie comme priorité nationale, l’incapacité locale à faire circuler des fonds pourtant disponibles interroge et fragilise tout un secteur stratégique.
Cet épisode met en lumière un paradoxe criant : alors que l’Union européenne finance massivement l’agriculture, l’inefficacité des relais administratifs régionaux menace de priver la Guadeloupe de projets vitaux pour son autosuffisance. Une défaillance qui, au-delà des exploitants, met en cause la responsabilité politique de ceux qui devraient garantir la continuité de l’action publique au service de la République.