La Banque de France vient de publier une étude ambitieuse sur les perspectives du commerce extérieur des territoires ultramarins français. Ce rapport, signé par Manuel Marcias (IEDOM-IEOM), dresse un constat sans appel : la plupart des régions d’Outre-mer, notamment la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, exportent beaucoup moins que leur véritable potentiel. Mieux intégrées à leurs zones régionales respectives, ces économies pourraient accroître leurs échanges, dynamiser la production locale et contribuer efficacement à la lutte contre la vie chère.
Des échanges trop dépendants de la métropole, une ouverture à bâtir
Les chiffres sont révélateurs : 60 % des importations et plus de 80 % des exportations des Antilles-Guyane se font encore avec la France hexagonale. En comparaison, leurs voisins caribéens commercent principalement avec l’Amérique du Nord. Cette dépendance limite leur autonomie économique et renchérit les coûts. Selon la Banque de France, la Martinique pourrait tripler ses exportations vers les États-Unis, et la Guadeloupe les doubler, si elles bénéficiaient des mêmes conditions logistiques et douanières que leurs voisins. Cela représenterait jusqu’à 33 millions de dollars supplémentaires par an, rien que pour ces deux territoires.
L’agroalimentaire, notamment la banane, le rhum et le sucre, reste la locomotive de ces exportations, mais son potentiel est encore largement sous-utilisé : multiplié par 5,5 pour la Martinique et par 3,6 pour la Guadeloupe dans un scénario d’intégration régionale renforcée. Même constat en Guyane, où les importations depuis le Brésil sont trois fois inférieures au potentiel estimé. À La Réunion, la dépendance à la métropole reste forte, alors que des liens accrus avec Madagascar ou l’Afrique du Sud pourraient réduire significativement les coûts et diversifier les approvisionnements.
Les obstacles sont nombreux : normes européennes complexes, logistique insuffisamment tournée vers les marchés voisins, barrières linguistiques et manque de coordination régionale. Certains accords, comme le Cariforum-UE de 2008, ont même freiné les échanges dans la zone au profit de l’Europe continentale.
Pour la Banque de France, la voie est claire : encourager la diversification des partenaires commerciaux, alléger les barrières non tarifaires et mieux intégrer les Outre-mer dans leur environnement régional. Ces mesures contribueraient à renforcer leur insertion économique tout en donnant un second souffle à la production française ultramarine, moteur de stabilité et de prospérité dans ces territoires pleinement ancrés dans la République.



