François Bayrou n’aura pas survécu au vote de confiance. Lundi, l’Assemblée nationale a rejeté son gouvernement par 364 voix contre, 194 pour. Dans ce revers cinglant, les députés d’Outre-mer ont joué un rôle déterminant : la majorité d’entre eux ont voté contre, confirmant une rupture profonde avec la ligne défendue par Matignon.

Du côté de La Réunion, Jean-Hugues Ratenon (LFI) a dénoncé une politique de « casse sociale » en vigueur depuis 2017, tandis que son collègue socialiste Philippe Naillet a fustigé un « budget d’austérité qui s’en prend aux plus vulnérables ». En Guadeloupe, Christian Baptiste (PS) a rappelé son opposition de longue date au Premier ministre, accusant la Macronie de couper 350 millions d’euros dans la Lodeom, dispositif crucial pour les territoires ultramarins.

Même tonalité chez Max Mathiasin (Liot), qui a jugé l’action du gouvernement « atone », sans véritable projet économique ni réponse à la vie chère. Karine Lebon (GDR, La Réunion) a reconnu les efforts de Manuel Valls, alors ministre des outre-mer, mais a regretté son isolement et le vidage de substance d’un projet de loi pourtant attendu.

À l’inverse, quelques voix ultramarines ont choisi de soutenir Bayrou. Nicolas Metzdorf (EPR, Nouvelle-Calédonie) a plaidé pour la stabilité, invoquant la nécessité de poursuivre le calendrier de l’accord de Bougival. Il a été rejoint par Moerani Frébault (Polynésie), Mikaele Seo (Wallis-et-Futuna) et Frantz Gumbs (Saint-Martin et Saint-Barthélemy), tous favorables à un gouvernement qui sécurise leurs dossiers locaux, de la péréquation des prix de l’électricité à l’installation d’un Crous.

Mais ces soutiens sont restés minoritaires. La ligne dominante, chez les députés ultramarins, a été celle du rejet, traduisant une colère contre la gestion nationale et un sentiment d’abandon persistant. Beaucoup réclament désormais un exécutif élargi, capable d’écouter et d’agir sur les urgences sociales et économiques.

La chute de Bayrou ouvre une nouvelle séquence politique. Les spéculations vont bon train sur son successeur : Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, Catherine Vautrin, Éric Lombard, Xavier Bertrand ou Jean-Yves Le Drian. Le groupe Liot a avancé Charles de Courson, salué par le député guadeloupéen Olivier Serva comme un homme d’expérience capable de parler à la gauche comme à la droite.

Reste à savoir si cette crise débouchera sur une simple nomination, une dissolution, voire un geste plus radical du chef de l’État. Une certitude : dans cet épisode, les députés ultramarins ont pesé lourd, rappelant que leur voix ne peut plus être reléguée aux marges des débats nationaux.


Patrice Clech

Journaliste et analyste, il consacre ses travaux aux dynamiques politiques, sociales et culturelles des Outre-mer, qu’il explore avec rigueur et passion.

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