Le procès de Bruno Pierrepont, directeur général des services de Cap Excellence, a mis en lumière une affaire embarrassante pour l’institution intercommunale guadeloupéenne. Le parquet a requis lourd : un an de prison avec sursis, 200 000 euros d’amende, cinq ans d’inéligibilité et cinq ans d’interdiction d’exercer dans la fonction publique et de gérer une entreprise. Des réquisitions à la hauteur de la gravité des faits reprochés : trafic d’influence passif et détournement de biens publics. Son co-prévenu, Olivier Falla, prestataire de services, encourt les mêmes peines pour trafic d’influence actif.

Au cœur du dossier, un local situé à Antillopôle, devenu le symbole d’un mélange des genres pour le moins troublant. Loué successivement par une association fondée par Bruno Pierrepont, puis par celle d’Olivier Falla, avant de revenir dans le giron de Cap Excellence, ce bureau se révèle à l’enquête bien plus qu’un simple espace de travail. Les policiers y découvrent, lors d’une perquisition en août 2024, un lieu aménagé comme un véritable appartement : canapé-lit, électroménager, produits alimentaires, vêtements personnels, documents privés… jusqu’à une lettre d’amour.

À la barre, les explications ont évolué au fil des questions : local associatif, puis second bureau, avant l’aveu d’y avoir vécu temporairement lors des émeutes de 2021. Une défense jugée peu convaincante par le ministère public, qui s’interroge surtout sur la prise en charge du loyer et des frais, suspectant une contrepartie déguisée à l’attribution de marchés publics. Une version fermement contestée par les deux prévenus, qui dénoncent une enquête menée « à charge ».

Au-delà du sort judiciaire de Bruno Pierrepont, dont le tribunal rendra la décision le 26 février, cette affaire pose une question politique et morale majeure : comment restaurer la confiance des citoyens lorsque le plus haut fonctionnaire d’une intercommunalité se retrouve soupçonné d’avoir confondu intérêts personnels et argent public ?

Dans un territoire déjà fragilisé par les crises institutionnelles et sociales, le simple doute est destructeur. Que la relaxe ou la condamnation soit prononcée, une certitude demeure : l’exigence d’exemplarité doit être totale pour ceux qui administrent la chose publique. Sans cela, c’est l’ensemble de l’action publique qui se retrouve entachée, et avec elle, la crédibilité même des institutions locales.

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