Une hécatombe écologique sans précédent

En Guadeloupe, les récifs coralliens vivent l’une des pires crises de leur histoire récente. Entre 2022 et 2025, près de la moitié du taux de recouvrement corallien a disparu. La combinaison du réchauffement climatique, de la pollution des eaux et d’activités humaines incontrôlées met aujourd’hui en péril l’équilibre de tout l’écosystème marin. Le Parc national de Guadeloupe alerte désormais sur un danger imminent.

Un reportage réalisé par Boris Courret et publié par le Parc sur YouTube dresse un constat sans appel. Le mauvais traitement des eaux usées y est clairement mis en cause, aggravant encore la vulnérabilité des massifs coralliens.

« 50 % de coraux disparus en trois ans »

Pour Claude Bouchon, professeur honoraire à l’Université des Antilles et membre du Conseil scientifique du Parc national, la situation est dramatique :

« Entre 2022 et 2025, on a perdu à peu près 50 % du taux de recouvrement des fonds par les coraux en Guadeloupe. »

Désormais, les taux oscillent entre 5 et 6 %, des niveaux qualifiés de « ridicules », y compris dans les zones pourtant protégées.

Tourisme, ancrages sauvages et destruction des fonds

Les atteintes aux récifs ne proviennent pas uniquement du climat. En juin 2025, un club de plongée de Port-Louis a dénoncé les dégâts infligés par un yacht de luxe, qui aurait jeté l’ancre au cœur d’une zone protégée. Les preuves photographiques attestent de destructions sévères.

Simone Mège, chargée de mission milieux aquatiques au Parc national, rappelle que l’ancrage y est strictement interdit. Des dispositifs d’amarrage sont mis à disposition — bouées blanches pour les plaisanciers, roses pour les professionnels — mais leur non-respect compromet gravement la survie d’écosystèmes déjà fragiles.

Réchauffement, maladies et eaux polluées : les coraux asphyxiés

Les scientifiques observent également une intensification du stress thermique lié à la montée des températures marines. Les relevés effectués grâce aux thermographes témoignent d’une dégradation continue.

À cette pression s’ajoutent les maladies coralliennes, notamment la perte de tissu, qui affaiblit encore les colonies. Mais la menace la plus critique reste la qualité des eaux côtières. Les rejets d’eaux usées non traitées enrichissent le milieu en nutriments, stimulant la croissance des algues qui prolifèrent aux dépens des coraux.

« Ces algues étouffent les coraux déjà affaiblis », insiste Claude Bouchon.

Agir localement pour sauver l’essentiel

Si la lutte contre le réchauffement climatique nécessite une mobilisation mondiale, les acteurs locaux peuvent déjà infléchir la trajectoire. Meilleure gestion des eaux usées, surveillance accrue des mouillages, sensibilisation des usagers de la mer : autant de leviers pour espérer enrayer l’effondrement.

Face à la disparition accélérée de ces joyaux sous-marins, la véritable question n’est plus de savoir s’il faut agir, mais quand.


Patrice Clech

Journaliste et analyste, il consacre ses travaux aux dynamiques politiques, sociales et culturelles des Outre-mer, qu’il explore avec rigueur et passion.

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