Les élus locaux d’Outre-mer alertent sur une menace numérique grandissante qui cible directement l’exercice de l’autorité publique. Faux profils sur les réseaux sociaux, usurpations d’identité et campagnes de dénigrement se multiplient, touchant en premier lieu les maires, à quelques mois des élections municipales de 2026. Une dérive jugée suffisamment grave pour exiger une réaction ferme de l’État.
Selon les élus concernés, ces pratiques malveillantes connaissent une progression rapide dans les territoires ultramarins. Le phénomène reste pourtant largement sous-évalué, alors même qu’il pourrait peser sur la sincérité du débat démocratique, voire fragiliser certains scrutins. Les chiffres disponibles confirment cette inquiétude : d’après le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, près de trois quarts des cas recensés concernent des maires, particulièrement exposés en raison de leur visibilité locale.
Une cybercriminalité encore mal encadrée
Alors que le nouveau statut des maires vient d’être adopté par le Parlement, les élus ultramarins estiment que la protection numérique reste le maillon faible de l’arsenal républicain. La déléguée générale de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer appelle à une mobilisation rapide des pouvoirs publics, mais aussi à une prise de conscience des élus eux-mêmes.
Elle insiste sur la nécessité de signaler systématiquement toute usurpation d’identité ou attaque numérique, à la fois auprès des forces de l’ordre et des structures spécialisées. Cette démarche permet de se prémunir juridiquement contre d’éventuelles dérives commises sous un faux nom, mais aussi d’alimenter un recensement indispensable à l’élaboration d’une réponse nationale adaptée.
Dans les faits, les démarches restent complexes. Les élus doivent eux-mêmes contacter les plateformes numériques pour faire supprimer les faux comptes, une procédure souvent longue et technique, peu compatible avec les contraintes du mandat local. Or, certaines victimes font état de récidives multiples, parfois avec plusieurs dizaines de faux profils actifs simultanément.
Un enjeu d’autorité et de protection républicaine
Au-delà des atteintes individuelles, c’est la crédibilité de la parole publique et l’autorité des institutions locales qui sont en jeu. Faute de signalements suffisants, la cybercriminalité demeure largement sous-déclarée, ce qui empêche toute politique publique efficace. Le constat vaut d’ailleurs à l’échelle nationale, mais il est aggravé en Outre-mer par des moyens plus limités et une exposition accrue sur les réseaux sociaux.
Selon les remontées de terrain de l’ACCD’OM, certains élus communaux ont vu leur identité usurpée jusqu’à 34 fois. Une situation intenable, qui nourrit la défiance, brouille le débat public et fragilise l’ordre démocratique local. Pour les maires concernés, l’urgence est claire : renforcer la protection des élus, affirmer l’autorité de l’État dans l’espace numérique et mettre un terme à des pratiques qui minent la République jusque dans ses territoires les plus éloignés.



