La Réunion affiche le taux le plus élevé de dépression en France, selon le dernier baromètre de Santé publique France publié le 11 décembre. En 2024, 18,3 % des adultes réunionnais ont connu un épisode dépressif caractérisé, un chiffre nettement supérieur à la moyenne nationale et révélateur d’une crise profonde de la santé mentale sur l’île.
Le constat dressé par l’agence sanitaire est sans appel. La Réunion cumule les prévalences les plus élevées d’épisodes dépressifs et de troubles anxieux généralisés parmi toutes les régions françaises. Le rapport souligne également des inégalités sociales très marquées, qui aggravent la vulnérabilité psychologique d’une partie importante de la population.
Un mal être durable enraciné dans les réalités sociales
Pour les professionnels de terrain, ces chiffres ne constituent malheureusement pas une surprise. Les acteurs associatifs engagés dans la prévention du suicide et l’accompagnement psychologique observent une dégradation continue depuis plusieurs années, accentuée après la crise sanitaire. Le sentiment d’instabilité, la précarité économique et les incertitudes pesant sur l’avenir contribuent à nourrir un climat anxiogène, particulièrement chez les jeunes générations.
Cette fragilité est également renforcée par un contexte social tendu. La Réunion figure parmi les départements les plus touchés par les violences intrafamiliales et conjugales. Près d’une agression sur deux se déroule au sein du cercle familial, un facteur reconnu de détresse psychologique pouvant mener à des situations de désespoir extrême. Depuis 2023, l’île se classe au deuxième rang national pour les violences conjugales rapportées à la population féminine.
Les professionnels de santé pointent aussi les difficultés d’accès à l’accompagnement. Les structures existent, mais restent insuffisamment visibles ou saturées, et la parole peine encore à se libérer, notamment chez les plus jeunes. Sans démarche volontaire des personnes en souffrance, l’intervention demeure complexe, ce qui renforce le sentiment d’abandon.
Les fêtes, un facteur aggravant pour les plus isolés
À l’approche des fêtes de fin d’année, les risques d’isolement et de détresse s’intensifient. Cette période, socialement associée au rassemblement familial, peut accentuer le sentiment d’exclusion chez les personnes seules ou fragilisées. Même dans des foyers équilibrés, les tensions et les contraintes liées à Noël peuvent devenir sources de stress supplémentaires.
Cette situation met en lumière un enjeu de santé publique majeur pour La Réunion. Au-delà des constats, elle pose la question de la responsabilité collective et de l’action publique. Le renforcement des dispositifs de prévention, l’amélioration de l’accès aux soins psychologiques et la lutte contre les violences intrafamiliales relèvent pleinement des missions de l’État et des pouvoirs publics. Face à une crise silencieuse mais profonde, seule une réponse structurée, ferme et durable permettra d’enrayer une spirale préoccupante pour la cohésion sociale et l’avenir du territoire.



