« Apprendre, c’est reprendre le contrôle. » Le slogan de la 12ᵉ édition des Journées nationales d’action contre l’illettrisme résonne particulièrement en Guadeloupe, où le fléau frappe deux fois plus qu’en métropole. Mardi 9 septembre, la cérémonie d’ouverture s’est tenue à Basse-Terre, au Conseil départemental, en présence du préfet Thierry Devimeux. L’événement a mis l’accent sur les jeunes adultes de 16 à 25 ans, premiers touchés par ce handicap silencieux qui ferme la porte de l’emploi, des droits et parfois même de la citoyenneté.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un Guadeloupéen sur dix, soit environ 17 500 personnes âgées de 18 à 64 ans, vit en situation d’illettrisme selon l’Atlas publié pour l’occasion. Derrière ces statistiques, des vies cabossées, des familles fragilisées, des adultes condamnés à l’exclusion. L’illettrisme se double d’autres obstacles, innumérisme, illectronisme, qui rendent plus difficile encore l’accès à l’information et aux services.
Face à ce constat, le Département a renouvelé sa convention avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Adrien Baron, vice-président chargé de l’insertion, a insisté sur l’urgence d’une réponse coordonnée : ateliers, formations des agents, outils pédagogiques adaptés. Son credo : « refuser la fatalité » et bâtir un écosystème éducatif où aucun jeune ne serait laissé sur le bord du chemin. La marraine de l’édition, Moïra André, Miss Guadeloupe 2024 et 3ᵉ dauphine de Miss France, a elle aussi rappelé que la jeunesse devait se réapproprier son avenir.
Le préfet, tout juste arrivé dans l’archipel, a constaté l’ampleur du défi mais aussi la mobilisation locale. Associations, rectorat, collectivités : tous étaient réunis pour rappeler que l’illettrisme n’était pas une fatalité mais un combat collectif. « On ne peut pas se satisfaire d’une situation qui prive tant de personnes d’un emploi ou de leurs droits », a-t-il insisté, appelant à une politique volontariste et durable.
Ces journées d’action, programmées jusqu’au 30 septembre, veulent marquer un tournant : transformer la lutte contre l’illettrisme en priorité morale et sociale. Plus qu’une campagne de sensibilisation, elles se veulent une promesse : offrir à chaque jeune guadeloupéen la possibilité de reprendre le contrôle de sa vie par la lecture, l’écriture et le savoir.
Patrice Clech
Journaliste et analyste, il consacre ses travaux aux dynamiques politiques, sociales et culturelles des Outre-mer, qu’il explore avec rigueur et passion.