La crise de l’eau en Guadeloupe atteint un niveau alarmant. Dans son dernier rapport, la Chambre régionale des comptes (CRC) estime qu’au rythme actuel des chantiers, il faudrait plus de 200 ans au SMGEAG (Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement) pour renouveler entièrement les conduites vétustes du réseau. Une perspective insupportable pour la population, déjà confrontée à des pénuries chroniques, des fuites massives et une qualité de service souvent défaillante.
Malgré les financements importants de l’État, de l’Europe, de la Région et du Département – plus de 200 millions d’euros mobilisés –, les résultats restent largement insuffisants. Le SMGEAG se félicite d’avoir remplacé 18.000 compteurs et 15 km de conduites en un an, mais à cette cadence, la remise en état complète prendrait deux siècles. En parallèle, 9.000 réparations de fuites ont été recensées en 2024, un chiffre bien en dessous des besoins réels.
Collectivités locales en première ligne face aux pénuries
Excédées par l’inaction du syndicat, certaines collectivités envisagent de prendre les choses en main. La communauté d’agglomération Cap Excellence a annoncé vouloir réaliser directement des travaux sur son territoire. Mais cette initiative, bien que volontariste, ne suffira pas à combler l’immense retard accumulé.
Les usagers, eux, continuent de subir les conséquences d’un système défaillant. Le 15 septembre encore, plusieurs communes comme Baie-Mahault, Petit-Bourg, Le Gosier et Les Abymes ont été privées d’eau en raison d’incidents simultanés : panne de l’usine de Vernou d’un côté, casse sur le réseau de l’autre. Dans certains quartiers, il n’est pas rare de rester jusqu’à dix jours sans une goutte d’eau au robinet.
Un enjeu vital pour la Guadeloupe
Dans un territoire français où l’eau potable devrait être un droit garanti, la situation actuelle est une atteinte directe au quotidien des familles, à l’économie locale et à la santé publique. La CRC rappelle l’urgence d’accélérer drastiquement les investissements et la modernisation des infrastructures.
Au-delà des rivalités institutionnelles, l’État, les collectivités et le SMGEAG doivent agir ensemble pour sortir la Guadeloupe de ce marasme hydrique. Car laisser perdurer ce système à bout de souffle, c’est condamner des générations entières à vivre avec l’eau rationnée, dans une République qui doit au contraire garantir l’égalité d’accès aux biens essentiels.