En Guyane, la lutte contre l’orpaillage illégal atteint ses limites. C’est le constat sans détour dressé par les autorités locales : malgré l’engagement massif des forces armées et de la gendarmerie dans l’opération Harpie, la pression des orpailleurs clandestins ne faiblit pas. Pire encore, elle s’intensifie, portée par un cours de l’or qui a triplé en huit ans et par la porosité des frontières avec les pays voisins.

Avec 280 militaires mobilisés et 1,4 tonne d’or saisie ou détruite en 2024, l’État démontre une présence réelle et déterminée. Mais selon le général Loïc Baras, la réalité du terrain est implacable : près de 8 000 garimpeiros se dispersent désormais sur 591 sites, transformant la forêt en zone d’exploitation incontrôlable. Les dégâts écologiques sont colossaux, avec chaque année 150 hectares détruits et 100 kilomètres de cours d’eau empoisonnés au mercure un scandale sanitaire qui frappe de plein fouet les populations du Maroni.

Le préfet Antoine Poussier l’affirme : l’action doit évoluer. Après avoir ciblé les moyens de production, il s’agit désormais de frapper les flux logistiques, plus diffus et plus difficiles à intercepter. Le quadruplement du prix de l’or crée une ruée qui rend rentables des sites jusqu’ici abandonnés. Mais la véritable faiblesse se situe hors des frontières françaises : le Suriname reste la base arrière des orpailleurs, où 80 % du métal extrait illégalement est revendu. Tant que Paramaribo ne coopérera pas pleinement, la Guyane luttera avec un handicap structurel.

Ce « plafond de verre » n’est pas le signe d’un État démissionnaire, mais celui d’une bataille asymétrique où les trafics transfrontaliers exploitent les failles administratives et les zones grises diplomatiques. Pour autant, il n’y a pas d’alternative : préserver l’Amazonie française, protéger les populations du mercure et défendre la souveraineté de la République exigent une stratégie renforcée. Cela passera par plus de moyens, certes, mais surtout par une coopération régionale à la hauteur condition indispensable pour briser, enfin, ce plafond et reprendre l’avantage dans une lutte essentielle pour l’avenir de la Guyane.

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