La préfecture de Guyane tire la sonnette d’alarme. Malgré l’engagement massif de l’opération Harpie, la lutte contre l’orpaillage clandestin atteint ses limites opérationnelles. La flambée du cours de l’or et la passivité des pays voisins, en particulier le Suriname, alimentent un phénomène qui détruit le territoire français d’Amazonie et met en danger ses habitants.

Des moyens français engagés, mais une pression sans précédent

Selon le général Loïc Baras, 280 gendarmes et militaires sont mobilisés en forêt. En 2024, 1,4 tonne d’or a été saisie, mais la préfecture estime que près de six tonnes ont été extraites illégalement en 2025, contre seulement une tonne issue de la filière légale. Plus de 8 000 orpailleurs clandestins opèrent sur 591 sites répartis dans l’intérieur guyanais.

Chaque année, l’orpaillage sauvage détruit 150 hectares de forêt et 100 kilomètres de cours d’eau. Depuis 2003, plus de 3 600 kilomètres de rivières ont été ravagés, un saccage environnemental qui frappe un département français déjà fragilisé. Face à des réseaux de plus en plus organisés et motivés par un or passé de 35 euros le gramme en 2017 à 115 euros en 2025, les autorités reconnaissent que la destruction des matériels sur site ne suffit plus.

Le préfet Antoine Poussier pointe un obstacle majeur : le Suriname, base arrière logistique et commerciale des garimpeiros. Selon le WWF, 80 pour cent de l’or illégal de Guyane y est revendu. Avec une frontière fluviale poreuse de 520 kilomètres et plus d’une centaine de comptoirs de ravitaillement sur le Maroni, l’absence de coopération effective empêche toute reprise en main durable du fleuve et de la forêt.

Une urgence sanitaire et un secteur désormais prioritaire

Au-delà des atteintes environnementales et économiques, l’orpaillage clandestin empoisonne la population. L’usage massif de mercure contamine les communautés vivant le long du Maroni, dans une situation qualifiée de catastrophique par les experts. Pour l’État, l’enjeu est également sanitaire et sécuritaire. Le préfet annonce désormais faire de la crique Bagot la priorité absolue. Située à proximité du captage d’eau de la Comté, cette zone, infiltrée par les garimpeiros, oblige la société de distribution d’eau à augmenter fortement l’aluminium utilisé pour traiter la turbidité, un risque à long terme pour les habitants. Les forces armées, dont l’effectif total en forêt atteint 700 militaires, multiplient les opérations, mais les sites détruits se reconstituent parfois en quelques jours.

Dans ce territoire stratégique de la République, l’orpaillage illégal ne pourra être jugulé sans une coopération régionale ferme et un soutien renforcé de l’État. Les autorités françaises affirment leur détermination, mais reconnaissent qu’à défaut d’un engagement clair de Paramaribo et Brasilia, la France continuera de se battre seule pour protéger sa forêt, sa population et sa souveraineté.

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