Neuf militaires seront jugés le 30 mars 2026 par le tribunal judiciaire de Cayenne, en formation militaire, pour des faits présumés d’extorsion et de vol commis lors d’une mission en Guyane. Une affaire sensible, révélatrice des tensions extrêmes qui entourent la lutte contre l’orpaillage clandestin, fléau majeur pour l’État, l’environnement et la sécurité du territoire.
Selon les éléments communiqués par le parquet de Cayenne, trois militaires sont poursuivis pour extorsion par violence et six autres pour vol en réunion. Tous comparaîtront également pour violation de consignes militaires. Les faits reprochés se seraient déroulés les 3 et 4 octobre 2024 dans le secteur du massif Lucifer, à proximité de Saint-Laurent du Maroni, lors d’une intervention présumée hors du cadre légal sur un site d’orpaillage clandestin.
Les plaignants sont des chercheurs d’or illégaux de nationalité brésilienne, qui ont déposé plainte quelques jours plus tard auprès de la gendarmerie. Ils affirment avoir été dépossédés d’or et de matériel par les militaires mis en cause. Si seules deux plaintes ont été formellement enregistrées, le parquet n’exclut pas que d’autres personnes aient été concernées.
Une affaire explosive dans un contexte de lutte contre l’orpaillage illégal
Les neuf prévenus appartenaient au 9ᵉ régiment d’infanterie de marine au moment des faits, une unité fortement engagée dans la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Plusieurs éléments laissent penser qu’il s’agissait de militaires venus de l’Hexagone dans le cadre d’un détachement temporaire, comme c’est l’usage pour ce régiment. La provenance géographique des avocats de la défense conforte cette hypothèse.
Sur le plan pénal, les qualifications retenues sont lourdes. L’extorsion par violence est passible de peines pouvant aller jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle selon la gravité des faits et les conséquences pour les victimes. Les délits de vol en réunion et de violation de consignes militaires exposent également les prévenus à des sanctions sévères.
Cette affaire pose toutefois une question délicate et profondément politique. Les plaignants, qualifiés de victimes dans la procédure, sont des orpailleurs clandestins, dont l’activité constitue en elle-même un délit pénal passible de lourdes peines. L’exploitation illégale de l’or en Guyane alimente une économie mafieuse, détruit des zones naturelles protégées et met en danger les forces de l’ordre comme les populations locales.
Sans préjuger de la culpabilité ou de l’innocence des militaires, que seule la justice établira, ce dossier illustre la complexité des opérations menées sur le terrain et la nécessité absolue d’un cadre d’intervention clair, strict et respecté. Il rappelle aussi que l’autorité de l’État, en Guyane plus qu’ailleurs, ne peut se permettre aucune zone grise. La lutte contre l’orpaillage illégal est indispensable, mais elle ne peut s’affranchir ni du droit, ni de la discipline militaire, piliers de la République et de la crédibilité de l’action publique.



