Monsieur Justin Pamphile, bonjour. Vous êtes maire du Lorrain depuis 2008 et président de l’Association des maires de Martinique depuis 2020. Vous êtes à Paris pour le Congrès des maires de France. Quel est pour vous l’enjeu de cette édition ?
J’étais d’abord présent vendredi au congrès de l’ACCD’OM (Association des communes et collectivités d’outre-mer). L’Association des maires de Martinique y a reçu le Prix de l’Engagement Outre-mer, catégorie Santé, pour ses actions menées en faveur de la prévention des risques liés à l’exposition de la population martiniquaise au chlordécone.
Pour le Congrès des maires, cela fait dix-sept ans que j’y participe car c’est un moment important, avec dès l’ouverture, la partie consacrée aux Outre-mer à Issy-les-Moulineaux. Cette année, nous allons travailler sur deux thèmes majeurs : l’habitat et la construction bioclimatique, et le besoin d’arrêter les représentations négatives sur nos territoires pour se concentrer aussi sur ce qui fonctionne et mérite d’être renforcé.
L’an dernier à la même époque, les maires de Martinique ont subi des attaques virulentes et même des menaces de mort émanant de manifestants, notamment du mouvement de Rodrigue Petitot le RPPRAC. Où en sont les poursuites pénales et la violence est-elle retombée ?
Certains propos sur les réseaux sociaux ont été extrêmement virulents, mais on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac. Oui, certains collègues ont eu affaire avec la justice, les décisions tombent et sont appliquées.
En ce qui concerne Rodrigue Petitot, il y a eu une volonté de faire croire que les maires l’avaient conduit en prison, ce qui est faux. Nous n’avons jamais porté plainte contre lui. Les faits qu’il a lui-même exprimés ont donné lieu à un article 40 et une présentation devant les tribunaux. Je ne me suis pas constitué partie civile. Aujourd’hui, les procédures suivent leur cours mais ce n’est pas un sujet de préoccupation pour moi. Quand on veut jouer les premiers rôles publics, il faut avoir des propos modérés, sinon cela conduit parfois devant les tribunaux.
La Martinique entre, comme toute la France, dans une séquence électorale de trois années. Les municipales n’annoncent-elles pas déjà une structuration du débat politique martiniquais en deux pôles adverses : un pôle autonomiste indépendantiste porté par des Marcellin Nadeau et autres Béatrice Bellay, candidate à la mairie de Fort-de-France, et un pôle que je qualifierais de centriste modéré autour de Madame Catherine Conconne, Yan Monplaisir, Bruno Nestor Azérot, vous-même et quelques autres leaders ? Partagez-vous cette analyse ?
On constate effectivement qu’il y a des responsables politiques qui prônent le dialogue, la concertation et le débat pour faire avancer les grands dossiers comme les transports, l’assainissement, l’aménagement ou l’investissement. Et un autre pôle plus extrémiste, qui préfère l’affrontement permanent avec l’État. Pour beaucoup d’entre eux, ils n’ont pas de solutions, seulement de la contestation. Et contester ne suffit pas. La population martiniquaise aspire à davantage de responsabilités pour ses élus, certes, mais elle veut aussi et surtout que le quotidien soit bien géré. La confiance ne peut s’installer que si la gestion est bonne. Et cette condition n’est pas toujours remplie.
Ce bloc populiste ou démagogue est somme toute empêché de bien gérer par son idéologie-même. Je rappelle au passage que ce lundi 17 novembre Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif de la CTM, et Didier Laguerre, le maire de Fort-de-France., comparaissent devant le tribunal judiciaire de Paris pour possibles détournements de fonds publics et recel.
Pour revenir à ce bloc plus extrémiste, ils n’ont pas de propositions. Ils contestent, mais ne formulent rien de concret. La population aspire à être dans un cadre national tout en adaptant certaines décisions à nos réalités. L’indépendance reste une vision idéaliste et déconnectée. Les Martiniquais l’ont déjà dit dans les urnes.
Quant à la CTM, elle traverse une période complexe. Le président essaie de trouver des solutions, mais sa méthode n’implique pas suffisamment les autres élus. On entend des difficultés, on constate des déficits, mais il n’y a jamais de travail collectif. On subit parfois les décisions. Il faudrait construire un projet commun. Nous ne sommes pas associés à ces réflexions. On met des pansements, comme sur l’octroi de mer pour aider les mairies, mais sans vision globale.
Plus largement, je dis simplement aux Martiniquais d’être attentifs aux messages et aux discours. Faites confiance aux hommes et aux femmes que vous avez vus travailler. Vous les connaissez. Ne vous laissez pas envahir par des chants de sirènes qui n’apportent que violence et instabilité. La sérénité, la bonne gestion et de bons projets permettent d’avancer. Avec cela, les financements suivent et les projets se réalisent pour développer notre beau pays, la Martinique.
La France a une nouvelle ministre des Outre-mer, Madame Naïma Moutchou. Quel message souhaitez-vous lui adresser ?
Nous lui souhaitons la bienvenue. Les sujets sont nombreux et importants en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte, à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie. Je garde en mémoire la visite de François-Noël Buffet qui qui avait tenu une excellente réunion de travail avec l’Association des maires de Martinique. Figurez-vous qu’il est le seul des ministres qui se sont succédé à nous avoir rendu visite depuis 2022. Madame la ministre sera donc la bienvenue lors de sa visite en Martinique.
Vos deux mandats seront donc remis en jeu lors des prochaines élections municipales…
Forcément, c’est l’exercice démocratique. C’est une règle que j’ai acceptée dès ma première candidature. C’est toujours avec plaisir que je me présente devant les électeurs et que j’accueille leur décision.
Je ne vous demande pas si vous êtes candidat à votre réélection au Lorrain (je vous laisse la primeur de l’annoncer à vos concitoyens) mais, si vous êtes réélu, envisagez-vous de briguer un nouveau mandat à la présidence de l’Association des maires.
Ce type de responsabilité appelle la confiance de vos collègues maires. Ce sont eux qui décident si vous pouvez exercer cette fonction. Le passage obligé, ce sont les municipales, et il ne faut pas les enjamber. On voit aujourd’hui une forme de bashing des élus, comme si tous les élus étaient mauvais. Je reste convaincu qu’on mélange des revendications légitimes, notamment sur la vie chère, avec le service que rend l’élu à sa population. Pour ma part, je ne m’inquiète pas de la confiance que mes électeurs peuvent m’accorder et j’attendrai leur décision avec sérénité. Quant à la présidence de l’Association des maires, si mes collègues ne sont pas déçus de ma représentation, je leur proposerai ma candidature.
Propos recueillis par Michel Taube



