C’est une décision rare et lourde de conséquences. Le Centre national d’études spatiales, gestionnaire de la base spatiale de Kourou, a été reconnu coupable de destruction d’espèces protégées par le tribunal judiciaire de Cayenne. En cause, des travaux lancés sans les autorisations nécessaires sur le site du pas de tir Diamant et autour du parc photovoltaïque PV2. Une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité a été validée, engageant le Cnes à réparer le préjudice écologique dans un délai de trois ans.
Un environnement exceptionnel touché
Au moins quatre espèces protégées ont vu leur habitat détruit, dont le leptodactyle ocellé, une grenouille rare inscrite depuis 2020 parmi les espèces strictement protégées. Les enquêteurs soupçonnent le Cnes d’avoir eu connaissance de sa présence avant l’ouverture du chantier, sans pour autant adapter ses opérations. Une expertise judiciaire estime le préjudice écologique à près de dix millions d’euros, avec une restauration des milieux qui s’étendra sur plusieurs décennies.
La base spatiale, pilier de la souveraineté française, repose sur un territoire d’une valeur écologique exceptionnelle. Cette savane littorale, qui ne représente que 0,3 pour cent de la superficie de la Guyane, concentre pourtant 16 pour cent de la biodiversité du département, avec une densité remarquable d’espèces endémiques et de jaguars. Les travaux non autorisés ont entraîné une dégradation jugée grave, suffisamment pour que le tribunal refuse l’an dernier une première proposition de sanction jugée insuffisante.
Pour les associations environnementales, la décision constitue un signal fort. Guyane Nature Environnement déplore cependant l’absence d’amende, regrettant que des atteintes qualifiées d’intentionnelles ne soient pas davantage sanctionnées. Le Cnes, de son côté, indique prendre acte du jugement et affirme qu’il mettra en œuvre l’ensemble des mesures correctives exigées.
L’affaire révèle un paradoxe déjà bien connu en Guyane. Le territoire ultramarin, indispensable aux activités spatiales européennes, porte aussi la responsabilité de préserver une biodiversité unique en France. Les deux impératifs doivent coexister, mais cette condamnation montre qu’un cadre strictement respecté reste la condition indispensable de cette cohabitation.
Reste désormais à garantir que les travaux de restauration seront menés avec sérieux. Pour la Guyane comme pour la France, l’exemplarité environnementale du premier site spatial européen n’est pas une option mais une obligation.



