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Le tribunal judiciaire de Fort-de-France a rendu, ce 17 novembre, une décision qui fera date, et pas nécessairement dans le sens de l’apaisement républicain. Sur les onze militants poursuivis pour avoir renversé trois statues en 2020, neuf ont été relaxés et deux reconnus coupables… mais dispensés de peine. Une issue judiciaire présentée comme « historique » par leurs avocats, mais qui, pour beaucoup d’observateurs et d’élus attachés à la République, marque une inquiétante banalisation des atteintes au patrimoine et à la mémoire française.

Un jugement qui légitime une dérive militante et politique

Les faits sont pourtant clairs : trois statues appartenant au domaine public, qui plus est de personnalités historiques (Joséphine de Beauharnais, future impératrice et femme de Napoléon Bonaparte, Victor Schœlcher et Pierre Belain d’Esnambuc) avaient été volontairement détruites par un groupe organisé et revendiquant une action spectaculaire baptisée « déchoukaj ». En d’autres termes, une justice personnelle exercée contre des symboles historiques de la Nation.

Le tribunal a estimé que l’infraction n’était « pas suffisamment caractérisée » pour la statue de Schœlcher, relaxant neuf prévenus. Quant aux deux militants reconnus coupables pour les deux autres statues, ils ont été dispensés de peine, acte rarissime qui confirme la culpabilité tout en supprimant la sanction.

Dans sa motivation, la juridiction a reconnu le caractère politique des déboulonnages. Une formulation qui risque d’être interprétée comme une forme de compréhension envers des actes qui demeurent, en droit français, des dégradations volontaires de biens publics.

Un précédent dangereux pour l’ordre républicain

Cette relecture politique d’actes illégaux interroge profondément. Car en République, une cause ne justifie jamais la destruction de biens appartenant à tous. Les symboles de l’Histoire de France ne peuvent être livrés aux pressions idéologiques ou identitaires, encore moins au vandalisme.

Le déboulonnage n’est pas un débat démocratique : c’est un passage en force, à rebours de la tradition française qui privilégie l’explication historique, la contextualisation et la pédagogie. À l’heure où le pays tente de préserver son unité face aux tensions mémorielles, ce jugement donne le sentiment que certains territoires seraient autorisés à s’affranchir de l’ordre républicain au nom de revendications idéologiques.

Dans d’autres pays, les discussions sur les statues se font dans le cadre des institutions. En France, la justice envoie aujourd’hui un signal ambigu : contester une figure historique pourrait justifier la destruction de son effigie.

Quand la crise mémorielle ne peut légitimer le désordre

La Martinique traverse une période sociale tendue, aggravée par la vie chère et les fractures identitaires. Mais rien n’autorise la violence symbolique ou matérielle contre le patrimoine français. Les statues de Schœlcher, Joséphine ou d’Esnambuc appartiennent à l’Histoire, avec ses ombres comme ses lumières, et non à la mode du moment.

Si le débat sur la mémoire de l’esclavage mérite d’être mené, il doit l’être dans le cadre des institutions, et non dans la rue à coups de cordes et de masses. En choisissant de minimiser la portée pénale de ces actes, la justice martiniquaise semble encourager l’idée dangereuse selon laquelle certaines émotions ou revendications autoriseraient la mise à bas des symboles nationaux. Or une République qui laisse tomber ses statues finit par accepter que l’on ébranle ses fondements.

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