Élisabeth Borne a atterri à Mayotte ce lundi pour une visite express consacrée à l’éducation.
Officiellement, il s’agissait de constater les efforts engagés depuis le passage du cyclone Chido, dans le cadre du plan « Mayotte Debout », à quelques jours de la rentrée du 26 août. En pratique, la ministre a découvert un département où les écoles détruites n’ont toujours pas été reconstruites et où la colère des parents monte d’un cran.
La matinée de la ministre s’est déroulée entre Mamoudzou et Koungou, avec des arrêts dans plusieurs établissements, de la maternelle de Majicavo-Lamir au lycée Bamana, en passant par l’école élémentaire Bob Gillier. L’après-midi, elle s’est rendue au collège Halidi-Selemani de M’Gombani pour observer le programme « Vacances Apprenantes », destiné à faciliter la transition des élèves de CM2 vers la 6e grâce à un mélange de soutien scolaire, d’initiation au numérique et d’activités sportives et environnementales.
Mais au-delà des initiatives pédagogiques, la réalité frappe : huit mois après le cyclone, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE 976) dénonce une situation « chaotique » et a refusé d’accompagner la ministre. Selon ses chiffres, 3 000 salles de classe détruites ou endommagées n’ont pas été reconstruites et près de 15 000 enfants restent privés d’école. Un constat qu’elle qualifie d’« urgence humanitaire et républicaine », accusant l’État de mépris et de promesses non tenues, notamment celle des 1 200 salles annoncées d’ici 2026.
La FCPE rappelle que certains élèves étudient sous des bâches, d’autres dans des bâtiments insalubres, tandis qu’une partie de la jeunesse est totalement déscolarisée. Elle réclame un plan de reconstruction daté, détaillé et financé, la création d’une cellule de crise associative dotée de pouvoirs de contrôle, ainsi qu’une transparence complète sur les chiffres réels de non-scolarisation. À cela s’ajoute la demande d’un Observatoire de la Violence, projet en attente depuis 2019, et l’élargissement du Pass Culture pour que les familles puissent acheter des manuels.
Lors de sa précédente visite, la ministre avait évoqué une enveloppe de 250 à 300 millions d’euros pour la reconstruction scolaire. Mais pour la FCPE, l’absence de calendrier et de priorisation concrète transforme ces annonces en coquilles vides. Les élus locaux, eux aussi, expriment leurs inquiétudes depuis plusieurs semaines, craignant une rentrée impossible à organiser faute de moyens.
En filigrane, la rentrée 2025 s’annonce plus qu’incertaine : entre infrastructures délabrées, violences persistantes et absence de solutions immédiates, le déplacement ministériel n’a pas suffi à apaiser les tensions. À Mayotte, les parents ne veulent plus de discours, ils exigent des actes.
Illustration : Ligne de Presse (licence : infooutremer.fr)
Patrice Clech
Journaliste et analyste, il consacre ses travaux aux dynamiques politiques, sociales et culturelles des Outre-mer, qu’il explore avec rigueur et passion.