Un an jour pour jour après le cyclone Chido, Mayotte porte encore les stigmates de la pire catastrophe naturelle de son histoire récente. Sur le front de mer de Mamoudzou, les épaves gisent toujours, les gravats s’accumulent, et les débris des habitations détruites rappellent la violence d’un phénomène qui avait tué plus de 170 personnes dans la région et laissé des milliers de familles mahoraises dans la détresse. Le constat est implacable : la reconstruction patine et les déchets s’amoncellent faute de moyens techniques et logistiques adaptés.
Des milliers de tonnes de déchets, un territoire saturé
Près de 10 000 tonnes de déchets ont été générées par Chido et, quelques semaines plus tard, par Dikeledi. Malgré la mise en place de cinquante sites temporaires, cinq d’entre eux subsistent encore, saturés de bois, de ferraille, de plastiques et d’appareils électroménagers qu’il faudrait trier puis exporter, Mayotte ne disposant d’aucune filière locale de recyclage. À cela s’ajoutent des délais de collecte perturbés depuis un an et un site d’enfouissement toujours fragilisé. Résultat : seulement 3 % des déchets recyclables sont triés sur l’île, contre 66 % dans l’Hexagone. Un gouffre révélateur du retard structurel dans lequel se trouve Mayotte, pourtant département français à part entière.
Ces amas de détritus exposés aux pluies et aux chaleurs tropicales dégagent des jus toxiques contaminant sols, nappes phréatiques et littoral. Le risque sanitaire est bien réel : moustiques, rats, maladies hydriques et pollution chronique menacent à nouveau la population, qui sort à peine d’une crise de choléra. Même les épaves des bateaux coulés continuent de relâcher des fibres de polyester et des métaux lourds dans le lagon que les élus rêvent de voir classé au patrimoine mondial.
Sur le terrain, les habitants témoignent d’une lenteur insupportable. Dans de nombreux quartiers, les immeubles n’ont toujours pas été réparés, les toitures restent bâchées, les infiltrations persistent et les services publics travaillent dans des locaux endommagés. Les entreprises du bâtiment, elles, alertent sur l’explosion des prix, l’allongement des délais de livraison et l’absence de stocks, conséquences directes de la surcharge du port de Longoni et des retards d’indemnisation.
À quelques jours de la venue de la ministre des Outre-mer, les critiques politiques montent. Pour le sénateur Saïd Omar Oili, « un an après Chido, le verdict est sans appel » : les engagements de l’État ne sont pas tenus, les fonds manquent, et la population affronte seule une reconstruction qui devait être exemplaire. L’absence du président de la République lors de cette commémoration symbolique est d’ailleurs perçue comme un mauvais signal. Alors que la nouvelle saison cyclonique débute, Mayotte demeure vulnérable. Les déchets toujours présents, les retards de chantiers et l’angoisse des habitants montrent l’urgence d’une mobilisation plus forte de l’État pour reconstruire durablement ce territoire français, frappé de plein fouet et encore loin d’être relevé.



