À Nouville, en face de Nouméa, l’île Nou continue de livrer les traces concrètes du bagne qui a marqué en profondeur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie et de la France. Derrière l’ancienne boulangerie Guillain, déjà transformée en musée, une nouvelle campagne de fouilles archéologiques vient de s’achever. Objectif : préparer un véritable parcours de visite au milieu des vestiges, pour que les Calédoniens puissent voir, sous leurs yeux, ce que fut la vie des forçats et des surveillants.

Ce terrain, situé à l’arrière du bâtiment, avait déjà été sondé en 2013. Les archéologues de l’Institut d’archéologie de Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP) avaient alors mis au jour un escalier monumental et les fondations d’anciens logements et cuisines, suffisamment importants pour obliger la province Sud à revoir son projet architectural. Faute de moyens, le sentier archéologique imaginé à l’époque était resté dans les cartons. Douze ans plus tard, la province relance le chantier, décidée à valoriser pleinement ce site majeur du patrimoine pénitentiaire français dans le Pacifique.

Un chantier-école pour transmettre l’histoire du bagne

De fin septembre à début novembre, l’équipe de l’IANCP a dégagé le site, envahi par l’herbe et abîmé par le temps. Les fouilles ont révélé de nouveaux éléments : une zone bâtie inconnue entre les anciens logements et le mur du fond, avec des fondations de chaux plus anciennes recouvertes par des aménagements ultérieurs. Les archéologues ont aussi reconstitué le réseau d’évacuation des eaux, caniveaux et conduites, pour comprendre le fonctionnement quotidien du lieu. Autrement dit, ce n’est pas seulement une ruine figée, mais un morceau de ville carcérale qui reprend forme.

Signe encourageant, ces travaux ont aussi servi de support pédagogique. Pas moins de 140 élèves et 35 étudiants en histoire sont venus gratter la terre, brosser les briques et participer, sous la supervision des professionnels, à ce travail de mémoire. Pour un territoire traversé par les débats sur le passé colonial et pénal, voir des jeunes Calédoniens se réapproprier cette histoire concrète, sur place, dans la terre, a une portée symbolique forte. Là où certains voudraient effacer ou instrumentaliser le passé, le choix est fait ici de l’assumer, de l’expliquer et de le transmettre.

Un parcours archéologique pour « marcher sur les pas » des anciens

La prochaine étape, annoncée pour l’an prochain, sera l’aménagement du sentier archéologique. Après la visite du musée installé dans l’ancienne boulangerie, les visiteurs pourront longer les vestiges des logements, des cuisines et des espaces techniques, sur des sols en briques restaurés. Des calques et dispositifs de médiation montreront les bâtiments tels qu’ils apparaissent aujourd’hui et tels qu’ils étaient à l’époque, afin de permettre, selon les responsables du projet, de « marcher sur les pas de ceux qui y ont vécu ». Ce sera une première en Nouvelle-Calédonie, et une mise en valeur à la hauteur de ce site majeur de l’histoire pénitentiaire française.

Reste un point d’attention : les moyens dont dispose l’IANCP. Comme beaucoup d’établissements publics, l’institut a été fragilisé par les contraintes budgétaires et les dégradations subies lors des troubles récents. Pour la province Sud comme pour l’État, la réussite du projet de restauration du site historique de l’île Nou rappelle l’importance de soutenir durablement la préservation du patrimoine calédonien, témoignage essentiel de l’histoire française dans le Pacifique. La mise en valeur de ces vestiges participe aussi au rayonnement culturel de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République.

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