Les compagnies d’assurance se retirent progressivement de plusieurs territoires d’Outre-mer, invoquant la multiplication des risques naturels, les émeutes de 2024 et un contexte social tendu. Une évolution qui alarme les élus et les acteurs économiques locaux, pour qui cette « fuite des assureurs » menace la reconstruction, la stabilité et l’attractivité des économies ultramarines.
Après les émeutes de 2024, un désengagement préoccupant
Un an après les violences urbaines en Nouvelle-Calédonie et en Martinique, qui ont causé plus d’un milliard d’euros de dégâts selon France Assureurs, plusieurs grands groupes ont décidé de revoir leurs offres.
Generali a suspendu toute nouvelle souscription pour les entreprises aux Antilles, tandis qu’Allianz et Groupama ont retiré la garantie « émeute » de leurs contrats. En pratique, les sinistres liés à des troubles civils ne sont plus couverts. Cette décision, dénoncée par la Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom), paralyse de nombreux projets : sans assurance, les banques refusent de financer, freinant les reconstructions en Nouvelle-Calédonie et les investissements en Martinique ou en Guadeloupe.
Les assureurs justifient leur retrait par « la fréquence et la sévérité du risque », mais aussi par l’absence de mécanisme clair de partage des pertes avec l’État. Generali France a d’ailleurs engagé un recours au civil contre l’État, estimant que sa responsabilité est engagée dans les événements de 2024.
Les Outre-mer, entre catastrophes naturelles et incertitude réglementaire
À ces tensions sociales s’ajoutent les risques climatiques majeurs –cyclones, inondations, séismes– auxquels les territoires ultramarins sont structurellement exposés. Ces facteurs ont déjà rendu certaines zones difficilement assurables.
Les nouvelles règles européennes de partage de données, instaurées par le règlement FIDA, inquiètent aussi les professionnels : elles imposent aux assureurs de communiquer à leurs clients les données de calcul du risque et les conditions de couverture. Une mesure que France Assureurs juge inapplicable dans des marchés aussi spécifiques.
L’appel à un partage du risque avec l’État
Pour éviter une rupture de couverture, les assureurs et les organisations patronales demandent la création d’un fonds de garantie “émeutes”, sur le modèle du dispositif “Catastrophe naturelle”. Ce mécanisme, cofinancé par l’État, permettrait d’assurer la continuité économique tout en limitant les pertes des compagnies.
Une proposition de loi portée par le sénateur Husson vise justement à rééquilibrer les relations entre assureurs et collectivités, et à garantir une couverture minimale pour tous les risques majeurs.
Une inquiétude politique et économique
Ce retrait progressif des assureurs, conséquence directe du désordre social et institutionnel qui a secoué plusieurs territoires, pénalise d’abord les entreprises locales, mais aussi le rayonnement économique et la stabilité des Outre-mer dans la République. Sans cadre apaisé et sans garanties d’investissement, ce sont les territoires eux-mêmes, et leur avenir économique, qui risquent d’être laissés sans assurance.



