Plus d’un quart des Polynésiens vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. C’est le constat alarmant dressé par la Chambre territoriale des comptes (CTC) dans son rapport publié le 31 juillet dernier à Papeete. Malgré les milliards investis dans les politiques sociales, la pauvreté s’enracine dans le fenua, révélant l’essoufflement d’un modèle économique et social autrefois fondé sur la solidarité familiale.

Selon la CTC, une personne sur quatre dispose de moins de 46 000 F CFP par mois. Les 10 % les plus riches gagnent neuf fois plus que les 10 % les plus pauvres, et l’indice d’inégalité atteint 0,40 — un niveau bien supérieur à celui de la métropole. Ces chiffres traduisent une fracture croissante : un marché du travail limité, une urbanisation rapide et une désagrégation des liens communautaires ont laissé place à une précarité durable.

La vie chère amplifie la détresse. Les prix à la consommation sont 31 % plus élevés qu’en France, et l’alimentation coûte près de la moitié plus cher. Dans un territoire où 94 % des produits sont importés, l’inflation pèse lourdement sur les foyers modestes, aggravant l’exclusion et la dépendance. À cela s’ajoute une crise du logement : près de 50 000 personnes vivent dans des habitations indignes, souvent sans eau ni électricité, dans des zones à risque.

Malgré 56 milliards de F CFP de dépenses sociales en 2023, la Chambre dénonce un manque de coordination et une stratégie éclatée. Les dispositifs existent mais s’enchevêtrent, sans gouvernance claire ni suivi global. Elle préconise huit mesures, dont la création d’un observatoire permanent de la pauvreté et d’un comité de coordination, afin d’unifier les politiques publiques et de garantir la pérennité du financement social.

Face à la montée du nombre de sans-abri et à la marginalisation des jeunes et des familles monoparentales, le rapport sonne comme un avertissement : sans réforme structurelle ni vision à long terme, la cohésion sociale du fenua risque de se déliter encore davantage. La lutte contre la pauvreté, conclut la CTC, ne doit plus être un catalogue de bonnes intentions, mais une priorité nationale pleinement assumée.

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