L’Assemblée de la Polynésie française doit rendre jeudi un avis, à priori unanime, contre le coup de rabot prévu dans le projet de loi de finances 2026 sur les taux de défiscalisation Outre-mer. Paris envisage de baisser d’environ 11 points les crédits d’impôt, pour une économie budgétaire évaluée à plus de 95 milliards Fcfp par an. Les rapporteurs polynésiens demandent, au minimum, le maintien des taux pour trois secteurs stratégiques du Pays : agriculture-pêche, tourisme et transports interinsulaires, afin de préserver la « double défiscalisation » (nationale et locale) qui fait levier sur l’investissement privé.
Sur le papier, le PLF 2026 raboterait l’hôtellerie et le logement neuf, tout en plafonnant le coût éligible à 835 000 Fcfp par mètre carré habitable pour l’immobilier, et en imposant dans l’hôtellerie un plafond de 4 500 euros par mètre carré en ne retenant que la surface habitable. Le secteur des énergies renouvelables serait lui aussi affecté. Seul le logement social locatif serait épargné. Dans un tissu économique insulaire et ultradépendant des capitaux privés, la mesure revient à réduire d’environ 22 % l’avantage fiscal mobilisable sur les plans d’affaires.
Un signal négatif pour l’investissement, l’emploi et la continuité territoriale
Les rapporteurs Maurea Maamaatuaiahutapu et Tematai Le Gayic jugent « excessifs » les efforts demandés et alertent sur des « conséquences économiques et sociales » directes : projets hôteliers différés ou annulés, vacance d’investissements productifs dans le primaire, et fragilisation des liaisons inter-îles déjà coûteuses. Les professionnels soulignent qu’un hôtel haut de gamme crée en moyenne près de quatre emplois par bungalow, quand l’hôtellerie plus légère tourne à un ou deux : toucher au montage financier de ces projets, c’est mécaniquement toucher à l’emploi local qualifié, à la formation et aux recettes fiscales futures.
Au-delà du tourisme, l’agriculture et la pêche, déjà exposées à l’éloignement des marchés et aux surcoûts logistiques, ont besoin d’un cadre fiscal stable pour moderniser les outils, décarboner la flotte et sécuriser les approvisionnements. Même logique pour les transports intérieurs, colonne vertébrale de la vie quotidienne et de la cohésion du Pays : des taux trop bas assèchent l’investissement, renchérissent les tarifs et entament la continuité territoriale.
L’exécutif polynésien rappelle qu’en matière de défiscalisation, le Pays a « été un bon élève ». La chambre territoriale des comptes a d’ailleurs souligné en 2025 que l’efficacité de la défiscalisation tient à sa visibilité et à sa stabilité dans le temps : réformer sans évaluer, c’est créer de l’incertitude et décourager l’initiative. Pour la Polynésie, l’enjeu n’est pas une « faveur », mais l’alignement de la politique nationale sur les priorités locales, dans un contexte d’insularité et d’éloignement où chaque point de taux pèse lourd.
La bataille budgétaire s’ouvre maintenant au Parlement. L’Assemblée de Polynésie demande à l’État de revoir les paramètres, de sanctuariser au moins les trois secteurs clés et, plus largement, de ne pas fragiliser un outil pro-investissement qui soutient l’emploi, l’attractivité et la souveraineté française dans le Pacifique.



