En Polynésie française, les députés ont pris leurs distances avec la crise politique parisienne. Aucun des trois élus du territoire n’a voté la motion de censure déposée par La France insoumise. Ce choix collectif de l’abstention traduit la volonté de stabilité et la recherche d’un dialogue apaisé avec Paris, alors que la collectivité d’outre-mer aborde une période économique et institutionnelle déterminante.

Le vote des députés polynésiens

Moerani Frébault (Ensemble – 1ʳᵉ circonscription) : n’a pas voté la censure.

Nicole Sanquer (Liot – 2ᵉ circonscription) : n’a pas voté la censure.

Mereana Reid Arbelot (GDR – 3ᵉ circonscription) : n’a pas voté la censure.

Une abstention assumée

Alors que les élus des Antilles ou de l’océan Indien ont majoritairement soutenu la censure, les représentants polynésiens ont préféré jouer la carte de la stabilité. Même du côté de la gauche, Mereana Reid Arbelot, pourtant membre du groupe GDR, a refusé de suivre la ligne nationale. Son entourage évoque un « choix de responsabilité », destiné à préserver les relations avec l’État dans un moment où la Polynésie cherche à consolider sa trajectoire économique et son autonomie. Cette posture pragmatique s’inscrit dans la continuité du travail mené depuis 2023 pour garantir la visibilité budgétaire du Pays, très dépendant des financements nationaux et de la défiscalisation locale.

Le poids des enjeux économiques

En Polynésie, la situation économique reste fragile. Le territoire subit les effets combinés de la crise touristique post-pandémie, du renchérissement des coûts de transport et de l’incertitude autour de la réforme de la défiscalisation nationale. La perspective d’un “rabot” fiscal (de 11 points sur les taux d’aide à l’investissement) inquiète particulièrement les secteurs de l’hôtellerie, de la pêche et du transport interinsulaire.

Face à ces tensions, les élus préfèrent conserver une ligne de dialogue avec Paris, plutôt que d’ajouter une instabilité politique supplémentaire.
Mais leur prudence ne signifie pas adhésion : plusieurs d’entre eux redoutent que la reprise du projet de loi contre la vie chère, inspiré de Manuel Valls, affaiblisse l’économie locale en introduisant des mécanismes de contrôle et de plafonnement inadaptés à un marché insulaire déjà contraint.

Une économie à protéger, pas à administrer

En Polynésie, où la majorité des produits de consommation sont importés et où les coûts logistiques explosent, le risque est clair : une économie administrée pourrait aggraver les pénuries plutôt que les réduire. Les chefs d’entreprise dénoncent un texte “hors-sol” qui ne tient pas compte des réalités du Pacifique. À Papeete comme à Paris, l’enjeu n’est pas de moraliser les marges, mais de garantir la continuité économique territoriale, en assumant le coût réel de l’insularité et du transport.

C’est ce que défendent plusieurs élus locaux : plutôt que d’imposer des prix, il faut réformer la fiscalité d’importation, soutenir la production locale et renforcer les infrastructures portuaires. En Polynésie, la non-censure n’est donc pas un signe de soumission mais de stratégie. Les députés veulent garder la main, préserver leurs marges de négociation et éviter que le débat national n’étouffe les priorités locales : stabilité, tourisme et développement durable du fenua.

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