Le Centre hospitalier de Polynésie française a suspendu les greffes rénales pour plusieurs mois, une décision qui plonge de nombreuses familles dans l’angoisse. La transplantation de rein était la seule greffe pratiquée localement : désormais, les patients devront être transférés dans l’Hexagone, loin de leurs proches, alors même que le soutien familial est essentiel dans ces parcours médicaux longs et éprouvants.

Pour Mareva, dont le père est dialysé, la nouvelle est déstabilisante : sans ses proches à ses côtés, le patient risque de perdre pied. Christine, greffée en 2022 après huit années d’attente, insiste elle aussi sur l’importance d’un visage familier au réveil de l’opération. Cette inquiétude traverse toute la Polynésie, où l’éloignement est un défi constant. Les associations, comme Un don de vie, redoutent un recul brutal après des années de sensibilisation au don d’organes : une suspension qui pourrait décourager la population et effacer des progrès fragiles.

Les médecins partagent cette alarme. Le chef des urgences du CHPF, Tony Tekuataoa, rappelle que la pénurie de spécialistes notamment de néphrologues formés à la transplantation complique l’organisation locale. Une réalité nationale : ces compétences deviennent rares partout en France, mais leurs effets se font sentir plus fortement encore dans les territoires éloignés. Il appelle aussi à une responsabilité collective : prévenir la maladie rénale, éviter la dialyse, c’est réduire mécaniquement le nombre de patients qui basculent vers la greffe.

Depuis 2013, 177 greffes rénales ont été réalisées au CHPF. Mais une autre donnée pèse lourd : en Polynésie, le refus de don d’organes atteint 71 %, presque le double du taux national. Une statistique qui rappelle que la solidarité, indispensable pour sauver des vies, ne peut fonctionner que si chacun accepte d’en être acteur.

Cette crise dévoile une vérité trop souvent contournée : les Outre-mer ont besoin de structures solides, de recrutement durable et de confiance envers les dispositifs nationaux de santé. Tant que l’on laissera prospérer les discours fatalistes ou la méfiance, les patients continueront d’en payer le prix. Restaurer et renforcer la capacité de greffe en Polynésie ne sera pas seulement une question technique : ce sera un test de cohésion, de responsabilité et d’unité républicaine.

Privacy Preference Center