L’Assemblée nationale a adopté mercredi soir la proposition de loi organique élargissant les compétences pouvant être exercées par les communes polynésiennes. Porté par les sénateurs autonomistes Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui, le texte répond à une demande ancienne des maires. À six mois des municipales, il révèle surtout la profonde fracture entre élus locaux — très majoritairement autonomistes — et le gouvernement indépendantiste de Moetai Brotherson, fermement opposé à cette évolution.
Un vote massif en faveur des communes… et contre l’argumentaire indépendantiste
Adoptée par 76 voix contre 32, la réforme modifie l’article 43-2 du statut de 2004 pour sécuriser juridiquement les interventions déjà réalisées par les maires sur des compétences relevant normalement du Pays. La rapporteure Nicole Sanquer a rappelé à la tribune que les communes travaillaient depuis des années dans une zone grise, faute de cadre clair, et qu’il ne s’agissait ni d’un transfert de compétences ni d’un affaiblissement du statut, mais d’une simple possibilité d’agir, sous contrôle du Haut-commissaire.
Un positionnement largement partagé : 46 des 48 maires, quatre parlementaires polynésiens sur cinq et le Cesec ont soutenu la réforme. Pour le député Moerani Frébault, ignorer la parole des maires au nom d’un prétendu « néocolonialisme » relevait précisément… d’une lecture néocoloniale, consistant à parler à la place des élus de proximité. En face, les députés LFI, PS, GDR — suivis par la députée Tavini Mereana Reid-Arbelot — ont dénoncé un texte soi-disant « électoraliste » et « dangereux », un argumentaire qui a peu convaincu l’hémicycle.
Le gouvernement Brotherson isolé et crispé face aux élus locaux
À Papeete, la réaction du président Brotherson a été immédiate et virulente. Le chef du gouvernement indépendantiste accuse Paris de « court-circuiter » le Pays et juge les maires « irresponsables » pour avoir soutenu une réforme qu’il considère comme une régression de l’autonomie. Le Tavini affirme que le texte plongera les communes dans « l’insécurité juridique » et ouvrira la voie à des conflits institutionnels où « Paris décidera à notre place ».
Un discours largement contesté par les élus autonomistes, pour qui le Pays cherche surtout à conserver des prérogatives qu’il n’exerce pas toujours efficacement. Beaucoup rappellent que l’État reste le garant de la légalité communale et que la réforme ne fait que clarifier un fonctionnement déjà existant, tout en donnant aux maires les moyens de répondre aux défis quotidiens des Polynésiens. Au final, cette adoption illustre une réalité politique incontournable : dans les Outre-mer français, ce sont les élus locaux qui demeurent les premiers artisans du service public, et non les gouvernements tentés par des postures idéologiques.
Dans ce débat, l’Assemblée nationale a choisi la stabilité, la proximité et le pragmatisme. Face à un exécutif Tavini tenté par l’affrontement institutionnel, les communes polynésiennes gagnent un outil supplémentaire pour agir, au bénéfice direct de leurs administrés et dans le cadre de la République.



