C’est dans un climat tendu que s’est déroulé, le 2ème jour du procès devant la 32ème chambre du tribunal judiciaire de Paris. Les prévenus se sont succédés à la barre du tribunal, tout au long d’une audience marquée par une passe d’arme entre le Procureur de la République, Jean Christophe Michard, et Didier Laguerre, le maire actuel de Fort-de-France.
En 2022, quand Yvon Pacquit, 1er adjoint de la ville de Fort de France, est auditionné par les enquêteurs de la police judiciaire, il n’y va pas par quatre-chemins, comme l’a rappelé le Président du tribunal, dès l’ouverture de la 2ème journée du procès : « Serge Letchimy exerce une forte ascendance sur Didier Laguerre. Il a été choisi pour devenir Maire, parce qu’il est docile. Avec lui, l’ancien Député de la 3ème circonscription de Martinique a gardé la main sur la ville de Fort de France. Il ne fait rien sans son feu vert », avait-il déclaré à l’époque.
Le ton était donné.
« Tout cela est faux. Je ne souscris pas à cette domination, » a balayé d’un revers de mains l’actuel Président de la Collectivité Territoriale de Martinique devant le regard septique de ses juges.
Répondant aux questions de plus en plus serrées du Président du tribunal, Serge Letchimy a rejoué la même messe que la veille. Au lendemain de sa défaite aux élections régionales de décembre 2015, il souhaitait quitter la vie politique, créer un bureau d’études en urbanisme et faire valoir ses droits à la retraite.
Quant aux conditions par lesquelles, il a perçu près de 24 000 € de salaire sous la forme de congés payés au début de l’année 2016, comme la prime d’incitation de départ à la retraite de près 100 000 € touchée quelques mois plus tard, il est resté sur la même position : « j’ai suivi les instructions de l’administration municipale », réfutant avoir parlé de son dossier avec le Maire de Fort-de-France, malgré leur grande proximité.
Pourtant, depuis 2001, Didier Laguerre a gravi tous les échelons politiques dans le sillage de Serge Letchimy. Simple militant du Parti Progressiste Martiniquais, puis secrétaire général du mouvement, il devient vice-président du Conseil régional, maire-adjoint de la commune de Fort-de-France avant d’en prendre la tête en 2014, tout en étant le suppléant parlementaire de son mentor.
Lors de son audition, l’ancien professeur de physique-chimie a affirmé qu’il avait traité ce dossier de retraite, comme si Serge Letchimy était un agent municipal lambda : « les services de la Direction Générale des Services ne m’ont pas alerté. Je n’étais pas au courant du rejet des mandats émis par la commune », a-t-il continué de marteler dans des échanges électriques avec le Procureur de la république.
Après avoir annoncé qu’il serait candidat aux prochaines élections municipales, Didier Laguerre s’est lancé dans un discours, plus proche d’une campagne électorale, en défendant le bilan de ses mandats successifs à la tête de la commune, tout en se dégageant de ses responsabilités judiciaires. « Avez-vous subi des pressions ? », « Osez-vous dire non à Serge Letchimy ? », l’a interrogé le Président du tribunal. « Quand je dois payer, je paie », a répondu du tac au tac le Maire de Fort-de-France, combatif, reconnaissant au passage que le versement de la prime d’incitation au départ à la retraite relevait de l’usage et n’avait finalement pas de base légale.
Il s’est montré également évasif sur la rémunération par sa commune d’un parlementaire en exercice, estimant qu’il appartenait à Serge Letchimy de vérifier lui-même les incompatibilités liées à son mandat parlementaire.
La journée s’est achevée par les auditions d’Yvon Pacquit, 1er adjoint de Fort de France et de Max Bunod, l’ancien DGS de la commune, n’ont pas levé les doutes sur cette affaire de détournement de fonds publics.
L’audience reprendra aujourd’hui à 13h30 devant la 32ème chambre avec les réquisitions attendues du Parquet National Financier qui pourraient avoir des conséquences directes sur l’avenir politique de Serge Letchimy et de Didier Laguerre.



