Le premier envoi de homards vivants de Saint-Pierre-et-Miquelon vers la métropole n’aura finalement pas lieu avant l’an prochain. Le projet, porté par la coopérative de pêcheurs artisanaux 47° Nord, se heurte aux aléas du transport maritime en période hivernale et aux difficultés de fiabilité de la liaison transatlantique.
L’initiative se voulait pourtant emblématique du potentiel économique de la pêche locale. La coopérative 47° Nord, qui regroupe plusieurs armements de l’archipel, avait préparé une phase d’expérimentation ambitieuse : exporter des homards vivants pêchés au casier vers l’Europe, grâce à un conteneur vivier haute performance loué en Norvège, capable de transporter jusqu’à cinq tonnes de crustacés dans des conditions sanitaires optimales pendant trois semaines.
Le transport maritime, maillon faible du projet
La réussite de cette opération reposait sur un point clé : une liaison maritime directe et fiable entre Saint-Pierre et Saint-Nazaire, avec un temps de traversée compris entre huit et dix jours. Or, cette condition n’est aujourd’hui plus remplie.
Les premières traversées du Neoliner Origin ont été fortement perturbées par des conditions météorologiques difficiles, entraînant des retards significatifs. La compagnie maritime a annoncé un arrêt technique du navire durant l’hiver, suivi d’une modification de ses rotations, avec la suspension temporaire des liaisons directes entre la métropole et l’archipel. Résultat : des temps de transport allongés, incompatibles avec les exigences strictes liées au maintien de homards vivants.
Face à ce calendrier incertain, la coopérative a pris la décision de reporter l’expédition à 2026, préférant sécuriser son modèle économique plutôt que de risquer un échec coûteux.
Repli stratégique et valorisation locale
Ce report ne signifie pas un abandon du projet, mais une adaptation pragmatique. En attendant la reprise de l’export vers l’Hexagone, la coopérative explore d’autres pistes pour valoriser la ressource. La vente locale de homards cuits dans l’archipel est envisagée, tout comme la transformation industrielle.
Des essais de conserverie, notamment autour de la chair de homard et de produits transformés comme les rillettes, ont été menés en partenariat avec la Ferme de l’Ouest. Une partie des captures initialement destinées à l’export devrait ainsi être transformée, dans une logique de création de valeur ajoutée locale.
Ce contretemps illustre une réalité bien connue des territoires ultramarins : sans infrastructures logistiques fiables et régulières, même les projets économiques les plus prometteurs restent fragiles. Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, l’enjeu demeure clair : sécuriser les liaisons avec la métropole afin de permettre aux filières locales de pleinement s’inscrire dans l’économie nationale.



