Les chiffres publiés par l’Insee viennent confirmer une réalité trop longtemps ignorée : les salariés réunionnais continuent de percevoir des salaires inférieurs à ceux de leurs compatriotes de province. Avec un salaire médian fixé à 1 780 € nets par mois en 2023, les Réunionnais accusent un retard de 6,6 % par rapport aux salariés hexagonaux hors région parisienne. Concrètement, un manque à gagner d’environ 120 € mensuels, qui fragilise des ménages déjà soumis à une vie chère endémique.
Si les cadres parviennent à inverser la tendance, bénéficiant en moyenne d’une rémunération 5 % supérieure à celle de leurs homologues de province – notamment grâce à la persistance de primes et sur-rémunérations dans certaines structures publiques ou para-publiques –, le reste du salariat demeure pénalisé. Les employés et ouvriers, qui constituent la majorité des actifs, restent prisonniers d’une dynamique de bas salaires accentuée par la concentration des revenus dans les tranches inférieures. Cette fracture sociale interne nourrit le ressentiment et renforce le sentiment d’injustice économique.
À cette inégalité s’ajoute une réalité plus inquiétante encore : les femmes réunionnaises restent perdantes à tous les niveaux. Qu’il s’agisse des postes d’employées ou de cadres, elles gagnent en moyenne moins que leurs collègues masculins, avec un écart qui grimpe jusqu’à 14 % chez les cadres à forte rémunération. Cette double peine – d’être à la fois ultramarine et femme – reflète un dysfonctionnement profond du marché du travail local.
Cette situation appelle une réponse claire de la République. Non pas dans la logique des subventions ou des excuses faciles, mais dans une politique ambitieuse de valorisation du travail et des compétences ultramarines. Tant que le marché réunionnais restera dominé par les bas salaires, la fuite des talents se poursuivra et l’écart avec l’Hexagone s’aggravera. Assurer une rémunération équitable aux Réunionnais n’est pas seulement une question de justice sociale : c’est une condition indispensable au maintien de la cohésion nationale.