Une nouvelle étude nationale met en lumière une réalité inquiétante : près de quatre jeunes ultramarins sur dix souffrent aujourd’hui de dépression, soit deux fois plus qu’en métropole. Selon les données croisées de l’Institut Montaigne, de Terram et de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), les Outre-mer sont confrontés à une véritable crise silencieuse, où les difficultés sociales et économiques nourrissent une détresse psychique sans précédent.

Une jeunesse fragilisée par la précarité et l’isolement

Les chiffres sont alarmants : 52 % des jeunes en Guyane, 44 % en Martinique et 43 % à Mayotte présentent des symptômes dépressifs. Derrière ces taux record, les causes sont multiples : pauvreté structurelle, manque de mobilité, insécurité, instabilité familiale et, plus récemment, crises environnementales et migratoires. Le sentiment d’abandon de la part de l’État et la défaillance des services publics accentuent encore ce mal-être. Près d’un jeune ultramarin sur deux se déclare insatisfait des services essentiels, soit plus du double de la moyenne nationale.

L’accès aux soins psychiatriques et psychologiques demeure l’un des grands angles morts des politiques publiques : seuls 30 % des jeunes ultramarins ont déjà consulté un professionnel, et à Mayotte, cette proportion tombe à 27 %. Les délais d’attente, le manque de structures et la peur du jugement freinent la prise en charge. Dans certains territoires, il n’existe qu’un seul psychiatre pour plusieurs dizaines de milliers d’habitants.

Des initiatives locales mais un État encore trop absent

Face à l’urgence, les CCAS et associations locales tentent de combler le vide institutionnel. En Guyane, des cercles de parole et ateliers de prévention sont organisés dans les communes isolées ; à La Réunion, la commune de La Possession multiplie les marches de sensibilisation ; en Martinique, une caravane de la santé mentale s’apprête à sillonner l’île. Mais ces efforts reposent presque exclusivement sur les collectivités locales, sans stratégie nationale cohérente.

Dans son rapport Priorité santé mentale !, l’UNCCAS appelle à un plan d’action spécifique pour les Outre-mer, fondé sur la formation des acteurs de terrain, le renforcement de l’accès aux soins et la reconnaissance des particularités de chaque territoire. Les auteurs rappellent qu’« agir pour la santé mentale des jeunes en Outre-mer, c’est reconnaître la spécificité de ces territoires et leur donner les leviers nécessaires pour construire des réponses durables ».

Tandis que le gouvernement multiplie les annonces sur la jeunesse et la prévention, les acteurs de terrain attendent désormais des actes. La crise du mal-être ultramarin, enracinée dans les fractures sociales et territoriales, ne se réglera pas par des slogans, mais par un véritable réarmement moral et sanitaire de la République dans ses territoires les plus fragiles.

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