En partenariat avec les Hôtels Karibea

Dans toute la Caraïbe, un trafic aussi discret que colossal menace aujourd’hui un pan entier de la biodiversité régionale : celui des civelles, les bébés anguilles vendus à prix d’or en Asie. Dans certaines îles, le kilo se négocie autour de 12 000 euros, et peut atteindre 30 000 euros une fois arrivé clandestinement au Japon ou en Chine. Des montants qui rivalisent avec le narcotrafic et attirent, logiquement, toutes les convoitises criminelles.

Un commerce illégal et préoccupant

L’espèce visée, Anguilla rostrata, circule dans l’ensemble du bassin caribéen… y compris dans les eaux proches de la Guadeloupe et de la Martinique. Pourtant, dans la quasi-totalité des pays voisins, la pêche de cette espèce n’est soumise à aucun contrôle : des milliers de civelles sont capturées dans les rivières, stockées dans des sacs oxygénés puis expédiées vers l’Asie pour alimenter des fermes d’engraissement. Résultat : les stocks s’effondrent, l’espèce est désormais classée en danger critique d’extinction.

Mais l’enjeu écologique masque un autre problème, plus explosif encore : la mainmise des réseaux criminels. Haïti est devenu l’exemple le plus frappant. Selon plusieurs rapports internationaux, le trafic de civelles y nourrit les gangs, le blanchiment d’argent et même le transport d’autres cargaisons illégales. Dans un pays miné par l’insécurité, ce commerce opaque (qui échappe à tout contrôle étatique) rappelle les pires circuits clandestins. Et il se déroule à quelques dizaines de kilomètres seulement de nos territoires français.

Vers un encadrement international pour protéger nos espèces et nos espaces maritimes?

Pour la Caraïbe dans son ensemble, et donc pour les Antilles françaises, l’inquiétude est double : effondrement écologique d’un poisson emblématique, et proximité d’un trafic transnational mêlé aux mafias régionales. L’Union européenne plaide désormais pour que toutes les espèces d’anguilles soient intégrées à la CITES afin de réguler ce commerce anarchique. Une décision attendue, tandis que la région voit se multiplier les signaux d’alerte.

Dans un espace maritime partagé, toute déstabilisation écologique ou criminelle finit tôt ou tard par atteindre la Guadeloupe ou la Martinique. Le trafic d’anguilles n’échappe pas à cette règle : ce qui prospère chez nos voisins finit toujours par fragiliser nos propres territoires. À l’heure où les Outre-mer subissent déjà de fortes pressions sécuritaires et environnementales, la vigilance s’impose plus que jamais.

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