Après plusieurs jours de blocage, les étudiants de l’université de Mayotte ont levé leur mouvement mercredi. Mais la trêve n’est que provisoire : dans dix jours, une nouvelle rencontre avec la direction décidera de la suite. En cause, une accumulation de dysfonctionnements qui empoisonnent la vie quotidienne des étudiants comme des personnels et qui, selon le syndicat Sup’Recherche Unsa, traduisent une situation « indigne d’un établissement public d’enseignement supérieur ».
Les griefs sont multiples. Près de 98 % des inscriptions seraient incomplètes, privant les étudiants d’accès aux plateformes pédagogiques. Beaucoup n’ont toujours pas de carte universitaire, parfois pour la deuxième année consécutive. Les boursiers, eux, attendent encore leurs aides, bloquées par des problèmes techniques, les obligeant à avancer leurs frais d’inscription. À cela s’ajoute une assistante sociale sans bureau attitré depuis deux ans, une bibliothèque universitaire hors d’usage, une salle polyvalente inutilisable faute d’équipements et des problèmes matériels récurrents.
Les enseignants et personnels ne sont pas épargnés : photocopieurs en panne depuis des mois, heures complémentaires payées avec des mois de retard, frais de mission non remboursés, conventions de stage en souffrance. Le syndicat dénonce aussi des postes de responsables pédagogiques non pourvus, des coordinateurs absents dans plusieurs filières et des nominations contestées. Autant de manquements qui fragilisent l’organisation des cours et découragent les équipes.
Face à ce constat, les étudiants ont obtenu une première réunion avec la direction. Le président de l’université, Abal-Kassim Cheik Ahamed, reconnaît des difficultés mais conteste une partie des accusations, qu’il juge instrumentalisées. Il dit regretter la méthode du blocage mais salue la qualité des échanges, promettant d’examiner les revendications « point par point » et rappelant les financements déjà obtenus après le passage du cyclone Chido, notamment pour rénover un amphithéâtre.
Pour l’heure, la mobilisation est suspendue, mais la pression reste intacte. Étudiants et syndicats exigent un calendrier précis de remise en état des équipements, de régularisation des inscriptions et de paiement des aides et salaires. Faute de garanties, ils promettent de reprendre la grève. Ce bras de fer met en lumière un malaise plus large : celui d’une université jeune, sous-dotée et fragilisée, incapable pour l’instant de répondre aux attentes d’une jeunesse mahoraise qui voit dans l’enseignement supérieur la clé de son avenir.
Patrice Clech
Journaliste et analyste, il consacre ses travaux aux dynamiques politiques, sociales et culturelles des Outre-mer, qu’il explore avec rigueur et passion.